Un vieux médicament, aux indications jusque-l très ciblées, révèle de nouveaux atouts pour combattre le cancer, révèle cette étude de l’Arizona State University : il s’agit de l'ibrutinib, un inhibiteur de tyrosine kinase (la Bruton tyrosine kinase ou BTK) déjà approuvé pour le traitement de la leucémie. Cependant le médicament peut également cibler un autre membre de la famille des récepteurs tyrosine kinases (RTK), ERBB4, capable de contrecarrer la cascade moléculaire menant à la progression et à la croissance de tumeurs solides. Ces travaux, présentés dans la revue Oncogene, ouvrent l’espoir que l’ibrutinib, peut-être en combinaison avec d'autres médicaments, ouvre la voie à un nouvel arsenal de traitements contre le cancer.
Au cours des dernières années, une classe de médicaments puissants, connus sous le nom d'inhibiteurs de kinase ont été développés pour traiter le cancer et d'autres maladies. Ces médicaments ciblent une famille de récepteurs tyrosine kinases (RTK) qui dépassent des surfaces cellulaires comme des antennes (voir visuel) et qui contribuent au développement de nombreux types de cancers.
L’équipe du Biodesign Institute de l'Arizona State University utilise ici une méthode innovante pour détecter l’efficacité de médicaments contre une large gamme de kinases. Elle constate que la molécule connue sous le nom ibrutinib, un inhibiteur de la Bruton tyrosine kinase ou BTK peut également cibler une autre kinase, ERBB4, impliquée dans la progression et la croissance de tumeurs solides. Les résultats montrent que l'ibrutinib agit comme un puissant inhibiteur de la kinase pour ERBB4, limite la croissance des cellules cancéreuses humaines en laboratoire et réduit la taille de la tumeur chez la souris. Et la sensibilité d'ERBB4 à l'ibrutinib est similaire à celle de BTK, la cible initiale du médicament.
Un récepteur associé à de nombreux cancers : le récepteur ERBB4, un membre de la famille des récepteurs tyrosine kinases, fait l’objet, en effet, d’un intérêt croissant des scientifiques. Les mutations dans ERBB4 ont été associées au mélanome, au cancer du poumon, du sein et du côlon, au neuroblastome et au cancer du poumon non à petites cellules. Lorsque des molécules de signalisation ou facteurs de croissance épithéliaux (en bleu sur visuel) se lient aux récepteurs ERBB4 (en rouge sur visuel), cela déclenche une cascade d'événements associée à la progression du cancer. Or ibrutanib inhibe la fonction kinase d'ERBB4 et bloque ainsi cette cascade moléculaire.
Une nouvelle technologie connue sous le nom de NAPPA (nucleic acid programmable protein array) fait également ses preuves avec ces travaux, car elle permet de détecter un grand nombre de protéines simultanément, les interactions des protéines entre elles et avec des acides nucléiques comme l'ADN et l'ARN ou avec des facteurs présents dans le sang. NAPPA s’avère un outil précieux donc pour identifier l'expression puis le criblage des protéines.
Alors que les tumeurs qui contiennent des mutations du récepteur ERBB montrent souvent une progression plus agressive et un plus faible pronostic, cette étude systématique de médicaments ciblant ERBB4, apporte des enseignements précieux, dont l’efficacité possible de l'ibrutinib contre de multiples cancers. D’autant qu’un certain nombre d'essais cliniques sont en cours sur l'ibrutinib dans le traitement des tumeurs solides.
Ainsi, concluent les chercheurs, l'utilisation de l'ibrutinib, probablement en combinaison avec d'autres médicaments pourrait ouvrir la voie à tout un nouvel arsenal de traitements contre le cancer.
Source: Oncogene 05 February 2018 doi:10.1038/s41388-017-0079-x Ibrutinib inhibition of ERBB4 reduces cell growth in a WNT5A-dependent manner (Visuel Jason Drees: Biodesign Institute)
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