La couleur de la peau, des cheveux et des yeux de plus de 8 milliards d'êtres humains est déterminée par le pigment absorbant la lumière, appelé mélanine. Cette équipe de l'Université d'Oklahoma et de Standford vient d’identifier 135 gènes de pigmentation jusque-là inconnus, avec vastes implications pour la diversité humaine, la biologie cellulaire et la médecine.
La mélanine est produite dans des structures spéciales appelées mélanosomes. Les mélanosomes se trouvent à l'intérieur des mélanocytes, les cellules pigmentaires productrices de mélanine. Bien que tous les humains aient le même nombre de mélanocytes, la quantité de mélanine produite diffère chez chaque individu et c’est ce qui induit notamment la variation de la couleur de la peau.
L’auteur principal, Vivek Bajpai, professeur à l'Université de l'Oklahoma, qui a mené cette étude avec ses collègues de l'Université de Stanford précise : « pour mieux comprendre ce qui provoque la production de différentes quantités de mélanine, nous utilisons la technologie d’édition du génome, CRISPR-Cas9 pour modifier génétiquement les cellules. En pratique, nous avons systématiquement retiré plus de 20.000 gènes de centaines de millions de mélanocytes et observé l'impact sur la production de mélanine ».
L’étude a pu ainsi identifier les gènes qui influencent la production de mélanine, sur des cultures cellulaires in vitro : en faisant passer la lumière à travers les mélanocytes, à l’aide d’une technique de cytométrie en flux, les chercheurs ont vérifié si la lumière était absorbée ou diffusée par la mélanine à l'intérieur. En effet, selon la concentration de mélanosomes producteurs de mélanine, la lumière se disperse beaucoup plus que dans les cellules avec peu de mélanine. Les cellules ont ensuite été analysées pour identifier leurs gènes de la mélanine.
169 gènes ont ainsi été identifiés comme ayant un impact sur la production de mélanine.
Parmi ceux-ci, 135 n’avaient jusque-là jamais été associés à la pigmentation. 2 gènes en particulier, KLF6 et COMMD3, révèlent des fonctions clés :
- la protéine de liaison à l'ADN KLF6 induit une perte de production de mélanine chez les humains et les animaux, confirmant que KLF6 joue également dans la production de mélanine chez d'autres espèces ;
- COMMD3 régule la synthèse de mélanine en contrôlant l'acidité des mélanosomes.
Quelles implications ? On sait que la pigmentation, lorsqu’elle est plus foncée, protège contre les rayons UV -en particulier dans les régions proches de l'équateur. Sur un plan plus évolutif, au fur et à mesure que les populations se sont déplacées vers des zones moins ensoleillées ou recevant moins d'heures de lumière du jour, moins de mélanine était nécessaire. Au fil du temps, cela a abouti à des mélanosomes qui produisaient moins de mélanine, absorbant ainsi plus de lumière solaire.
- Mieux comprendre la régulation de la mélanine peut ainsi permettre de protéger les personnes à la peau plus claire contre le mélanome ou le cancer de la peau ;
- en ciblant ces nouveaux gènes de mélanine, il devient possible de développer des médicaments modificateurs de la mélanine pour traiter le vitiligo et d'autres troubles de la pigmentation.
Au-delà de la santé humaine, ces procédés technologiques pourraient également être appliqués à l’identification des gènes qui régulent la production de mélanine chez les champignons et les bactéries. Car production de mélanine dans les champignons et les bactéries leur permet d'être plus pathogènes pour l'Homme ou les cultures.
Source: Science 11 Aug, 2023 DOI : 10.1126/science.ade6289 A genome-wide genetic screen uncovers determinants of human pigmentation