En appauvrissant et en perturbant le microbiome intestinal, les antibiotiques à large spectre notamment, peuvent aggraver le mélanome, démontre cette étude menée à l’Université Emory (Atlanta), présentée lors de la Réunion annuelle de l’American Society for Bone and Mineral Research (ASBMR). Les chercheurs décryptent chez la souris modèle le mécanisme complexe par lequel les antibiotiques accélèrent la croissance osseuse métastatique, en affaiblissant la réponse immunitaire.
Les résultats rappellent toute l’importance du microbiome intestinal dans la santé globale et suggèrent que les médecins devraient prendre en compte les effets gastro-intestinaux possibles, lors qu’ils les prescrivent. « En particulier chez les patients atteints de cancer », ajoute l’un des auteurs de l’étude, le Dr Subhashis Pal, chercheur en endocrinologie à l’Université Emory : « Toute maladie ou thérapie qui nuit au microbiote intestinal peut avoir un impact négatif sur notre santé ».
Un microbiome intestinal sain freine la progression des lésions osseuses du mélanome
C’est la principale découverte de cette étude, menée chez la souris modèle de mélanome -ayant reçu des injections de cellules de mélanome dans le cœur et les os :
- un microbiote sain, propice à l’expansion des cellules intestinales tueuses naturelles (NK : natural killers) et des cellules T auxiliaires (Th1) et à leur migration vers le site de la tumeur, participe considérablement à la lutte contre les métastases ;
- en revanche, l’utilisation d’antibiotiques oraux épuise le microbiome intestinal et réduit la population de cellules NK et Th1. Les souris modèles deviennent plus vulnérables à la croissance tumorale. Le mélanome devient plus avancé et plus agressif que chez les animaux dont les microbiomes intestinaux ont été laissés intacts.
La métastase ostéolytique est une complication fréquente du mélanome malin et comme les chercheurs en avaient émis l’hypothèse, les injections d’antibiotiques accélèrent la croissance métastatique osseuse chez ces souris, par rapport aux souris témoins n’ayant pas reçu d’antibiotique. L’analyse par cytométrie révèle que :
- l’épuisement du microbiome empêche l’expansion induite par le mélanome des cellules intestinales NK et Th1 et leur migration de l’intestin vers les os porteurs de tumeurs ;
- la mesure directe de la migration des cellules NK et Th1 révèle également que les antibiotiques diminuent d’environ huit fois la migration de ces cellules NK et Th1 de l’intestin vers le site de la tumeur ;
- lorsque les cellules NK et les cellules Th1 quittent l’intestin dans le cadre de la réponse immunitaire de l’organisme, le processus est médié par les récepteurs S1PR5 et S1PR1. Le blocage pharmacologique de la migration des cellules via les récepteurs – impliquant S1PR5 avec des cellules NK ou S1PR1 avec des cellules Th1 imite les effets des antibiotiques : il empêche l’expansion des cellules NK et Th1 dans la moelle osseuse et induit une croissance accélérée des métastases osseuses.
En conclusion, les modifications du microbiome induites par les antibiotiques pourraient avoir des conséquences cliniques négatives non seulement avec le mélanome, mais aussi avec d’autres cancers et maladies, dont les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ou d’autres affections intestinales qui créent une inflammation et peuvent entraîner une augmentation du nombre de cellules Th17, du TNF dans l’intestin, ce qui finalement impacte négativement la santé des os.
« Nous devons préserver notre microbiome intestinal et réduire au maximum les effets indésirables des antibiotiques ».
Source: The American Society for Bone and Mineral Research (ASBMR) Meeting 2022 10-Sep-2022 Study finds antibiotics may make melanoma worse, by depleting the gut microbiome
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