L'épendymome, un type de gliome qui prend sa source dans les cellules de l'épendyme, la membrane qui tapisse les cavités cérébrales et le canal central de la moelle épinière ne « dispose » pas de thérapie ciblée en grande partie en raison d’un manque de compréhension du microenvironnement tumoral. L’équipe de neurologues et de cancérologues du St. Jude Children's Hospital (Memphis) décrypte, dans la revue Nature, comment dans ce type de tumeurs, la connexion entre les neurones médiée par le neurotransmetteur sérotonine peut réguler la croissance tumorale.
L'épendymome est associé à une faible survie et à de mauvais résultats neurocognitifs en raison d'un manque de thérapies ciblées. Un modèle de souris a été récemment développé, qui imite avec succès une forme agressive de ce cancer causée par une fusion génétique entre ZFTA et RELA, ce qui crée un facteur de transcription indésirable qui stimule la croissance tumorale. Ce nouveau modèle a permis ici aux chercheurs d’accéder à une nouvelle vision de la biologie de la maladie.
L’auteur principal, Stephen Mack, neurobiologiste au St. Jude et son équipe ont pu confirmer, avec ces observations, le lien entre la croissance tumorale de l'épendymome et la libération de sérotonine et mettent en lumière la relation inconnue jusque-là, entre la communication neuronale tumorale et la tumorigenèse.
Quels rôles des neurones dans la croissance des tumeurs cérébrales ?
L’étude démontre ce rôle et cette association entre la connexion neuronale et les épendymomes infantiles. La recherche, menée sur la souris modèle d’épendymome constate que l’hyperactivation d’un sous-ensemble spécifique de neurones a différents effets sur la prolifération des cellules tumorales. En particulier,
- des voies impliquées dans la fonction neuronale et la neurotransmission sont hyperactives, ce qui implique non seulement une interaction entre la connexion neuronale et la croissance tumorale mais aussi une dépendance ;
- l’augmentation de la production de sérotonine dans le microenvironnement tumoral stimule la croissance tumorale ;
- les cellules de l’épendymome absorbent la sérotonine et la déposent sur la chromatine, ce qui permet de garantit que les gènes qui favorisent la croissance tumorale restent actifs ;
- l’inhibition de ce processus cependant, permet de bloquer la croissance tumorale ;
- cette découverte d’un lien direct entre la progression tumorale et l’interaction tumeur-neurone ouvre la voie à de nouveaux tests de médicaments qui bloquent l’absorption de la sérotonine et contrent ainsi la croissance des tumeurs cérébrales.
« Dans le domaine des tumeurs cérébrales, nous avons largement ignoré les neurones et considéré les cellules tumorales comme envahissant simplement leur espace », explique l’auteur principal, alors que « des recherches récentes ont bien montré que l’hyperactivation des neurones entraîne la prolifération du cancer ».
Il existe une véritable communication fonctionnelle entre les neurones et les cellules tumorales
Toujours cette importance du micro-environnement tumoral : la recherche sur les tumeurs cérébrales adopte aujourd’hui une approche holistique pour comprendre le développement et la croissance de ces tumeurs. Décrypter les interactions entre ces tumeurs et leur environnement fait désormais partie de ces analyses, car cette nouvelle compréhension peut ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques. Cette approche globale, micro-environnement tumoral compris, est particulièrement pertinent pour les cancers difficiles à traiter, comme l’épendymome. Et c’est bien la conclusion de cette recherche, soit la manière dont l'épendymome est affecté par l'environnement neuronal environnant :
- Ici, l’enrichissement des transporteurs de sérotonine dans les cellules tumorales suggère que les cellules tumorales recherchent de la sérotonine dans leur environnement, mais on ignore toujours exactement pourquoi.
- Les cellules tumorales peuvent « répondre » aux neurones, c’est la deuxième conclusion de cette étude. Certains des mécanismes de régulation génétique dans ces tumeurs révèlent comment les cellules tumorales sécrètent des facteurs qui modulent l’activité des neurones suivant un « cercle vicieux » via lequel les cellules cérébrales communiquent entre elles pour favoriser la prolifération des cellules tumorales.
L’identification d’un lien aussi fondamental entre la communication neuronale tumorale et la prolifération tumorale pourrait avoir un impact sur d’autres cancers que l’épendymome.
Bien qu’il n’existe actuellement aucune thérapie ciblée pour l’épendymome, cette exploration de l’interaction entre les microenvironnements neuronal et tumoral est très prometteuse. Des agents neuromodulateurs tels que les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) sont actuellement utilisés pour traiter certains troubles de santé mentale.
Ces agents n’ont pas été testés pour déterminer leur effet sur les tumeurs cérébrales, mais ces premiers résultats suggèrent qu’il s’agit là d’une piste à explorer.
Source: Nature 31 July, 2024 DOI: 10.1038/s41586-024-07751-z Histone serotonylation regulates ependymoma tumorigenesis
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