On sait que les cancers font partie des « maladies liées à l’âge » et les changements liés à l'âge peuvent également être critiques dans de nombreux types de cancer. Cependant, cette équipe de cancérologues et biologistes de l’Université Johns Hopkins (Baltimore) décrypte, ici, dans la revue Cancer Research, des changements particuliers liés à l'âge, précisément dans les cellules fibroblastiques qui favorisent la croissance et la propagation du cancer du pancréas.
En d’autres termes, les personnes âgées sont significativement plus à risque de cancer du pancréas, avec un pronostic sombre, non seulement du fait du cancer lui-même, agressif et généralement diagnostiqué tardivement, mais aussi du fait de leur âge avancé. L'âge avancé concerne tout autant les cellules du pancréas ou fibroblastes, ce qui contribue à expliquer la fréquence et l’agressivité de ce cancer chez les personnes âgées.
Le vieillissement altère les fibroblastes du pancréas
L’auteur principal, le Dr Daniel Zabransky, professeur d'oncologie à la Johns Hopkins, résume ces découvertes :
« les fibroblastes plus âgés libèrent des protéines qui affectent directement les cellules cancéreuses du pancréas
et favorisent la croissance et la propagation des tumeurs cancéreuses. Les fibroblastes plus jeunes n’ont pas ces capacités. Nous pensons que c’est l’une des principales raisons pour lesquelles l’incidence du cancer du pancréas est beaucoup plus élevée chez les patients âgés ».
L’étude analyse des échantillons de fibroblastes pancréatiques prélevés chez des patients âgés de plus de 55 ans et les compare à des fibroblastes pancréatiques issus de patients de moins de 35 ans. Cette analyse révèle que :
- les cellules des patients plus âgés se comportent très différemment de celles des plus jeunes ;
- les protéines libérées par les cellules plus jeunes et plus âgées sont tout à fait différentes ;
- un changement critique est ainsi observé dans les fibroblastes pancréatiques plus âgés, la libération plus élevée d’une protéine, GDF-15 ;
- ainsi chez des souris modèles de tumeur pancréatique, traitées avec GDF-15, ces tumeurs se développent beaucoup plus rapidement, tout comme chez les souris plus âgées ;
- d’ailleurs, les souris plus âgées génétiquement modifiées pour ne pas posséder le gène codant pour le GDF-15 présentent une croissance tumorale pancréatique réduite ;
- des expériences in vitro sur des lignées cellulaires humaines et de souris confirment que le GDF-15 active une voie de signalisation AKT, impliquée dans la croissance tumorale, d'une manière dépendante de l'âge ;
- lorsque l’équipe teste des médicaments inhibiteurs de l’AKT sur des modèles de cancer du pancréas, la croissance tumorale est réduite, chez les souris présentant des fibroblastes âgés-mais pas chez les souris avec fibroblastes plus jeunes.
D’autres recherches ont déjà révélé l'importance des changements liés à l'âge dans le mélanome, c’est donc le cas aussi pour le cancer du pancréas. Alors que les médecins ne disposent que de peu d’options de traitement pour ce cancer, comprendre comment le microenvironnement vieillissant contribue à la progression du cancer et cibler ces voies ouvre de nouvelles options thérapeutiques.
Source : Cancer Research 8 Feb, 2024 DOI : 10.1158/0008-5472.CAN-24-0086 Fibroblasts in the aged pancreas drive pancreatic cancer progression
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