Une proportion disproportionnée de femmes atteintes d'infertilité inexpliquée présente aussi des variantes génétiques connues pour causer des problèmes cardiaques et le cancer, révèle cette recherche menée à l'Université d'Augusta (Géorgie). Ces données présentées dans le New England Journal of Medicine (NEJM) documentent, pour la première fois, une prévalence accrue de variantes génétiques pathogènes chez les femmes atteintes d'infertilité inexpliquée.
Environ 17 % des femmes atteintes d'infertilité idiopathique présentent en effet des variantes génétiques connues pour causer des maladies cardiaques mais aussi des maladies plus rares comme la sclérose latérale amyotrophique, rapporte l’équipe du Medical College of Georgia.
L’hypothèse que l'anomalie génétique crée une prédisposition à l'infertilité comme à d'autres problèmes de santé
L’anomalie génétique semble favoriser une maladie ultérieure : « Les femmes infertiles, par exemple, présentent un risque accru de maladie cardiovasculaire », explique l’auteur principal, le Dr Lawrence C. Layman, endocrinologue de la reproduction et généticien, chef de Service d'endocrinologie de la reproduction, d'infertilité et de la génétique à l'Université d'Augusta.
L’étude a séquencé les exomes qui contiennent les régions codant pour les protéines des gènes, de 197 femmes âgées de 18 à 40 ans atteintes d'infertilité inexpliquée afin d’identifier les variantes déjà connues ou suspectées d’être des variantes de risque de maladies. Les données de ces participantes ont été recueillies par l'essai multisites AMIGOS suivant 900 couples sans cause évidente d'infertilité, comme des problèmes d'ovulation ou de qualité du sperme. Ce séquençage révèle que :
- 6,6 % des participantes présentent des variantes dans 59 gènes « médicalement exploitables » soit susceptibles de provoquer des maladies telles que les maladies cardiaques et le cancer du sein, mais pour lesquelles des interventions, liées au mode de vie et/ou médicales pourraient éliminer ou réduire le risque ;
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ce taux de 6,6 % chez ces femmes infertiles est à comparer à 2,5% en population générale ;
- 10% supplémentaires de ces participantes présentent des variantes génétiques connues pour causer des maladies pour lesquelles il existe peu ou pas de mesures ou de traitements permettant de gérer la maladie, comme la maladie de Parkinson par exemple ;
- 14 variantes des gènes identifiés apparaissent justement « médicalement exploitables » chez 13 des participantes : les variantes les plus courantes étant des variantes de risque de maladies cardiovasculaires et de cancer ;
- parmi ces variantes relativement bien connues, BRCA1 et BRCA2, associées à un risque élevé de cancer du sein ou de l'ovaire, d’autres connues comme associées à un taux de cholestérol élevé et à des rythmes cardiaques irréguliers, à un risque accru de rupture de l'aorte, le plus gros vaisseau sanguin du corps, au risque de SLA avec fonte musculaire, de maladie de Lou Gehrig et de polykystose rénale destructrice des reins, qui peut impliquer finalement une dialyse et / ou une greffe de rein.
Une validation sur un plus large échantillon de femmes infertiles, recensées dans la Biobank britannique et réseau eMERGE financé par l'Institut national de recherche sur le génome humain estime une multiplication par 3 environ du nombre de variantes de gènes médicalement exploitables chez les femmes stériles vs population générale.
Au total, 17% des femmes atteintes d'infertilité inexpliquée présentent des variantes de risque de future maladie.
Si des recherches supplémentaires sont nécessaires avant de prendre des mesures telles que la pratique de tests génétiques pour toutes les femmes ou tous les hommes souffrant d'infertilité inexpliquée, ces premiers résultats soutiennent l'hypothèse d’une incidence plus élevée de maladies, chez les femmes infertiles.
« Nous ne faisons pas de tests génétiques systématiques pour le moment car il n'y a pas de preuves solides de ce lien et ces tests ne sont pas couverts par les assurances ». Ces futures recherches pourraient changer ce protocole.
Des variantes génétiques de risquue communes ? La question est posée si de mêmes variantes peuvent, en effet, être à l'origine à la fois de l'infertilité et de la maladie. Il reste donc à mieux décrypter les processus moléculaires associés.
La fertilité, un « biomarqueur » du risque de maladie future ? Si les voies communes entre l'infertilité et les maladies cardiaques ou d’autres problèmes de santé restent ainsi à préciser, cette première démonstration d’association entre l'infertilité et une maladie future, va inciter à terme, à la détection précoce, au conseil génétique et à l'intervention.
Source: New England Journal of Medicine 16 March, 2023 DOI: 10.1056/NEJMc2211539 Unexplained Female Infertility Associated with Genetic Disease Variants
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