Priver d’énergie les cellules cancéreuses en bloquant les mitochondries, ces minicentrales énergétiques cellulaires est une voie de recherche largement poursuivie pour bloquer la croissance de la tumeur. Cette équipe du Max-Planck-Gesellschaft fait la démonstration d’efficacité d’un médicament qui, sur ce principe et à ce stade chez la souris, empêche la croissance des cellules cancéreuses. Ces travaux publiés dans la revue Nature, apportent l’espoir d’un nouveau médicament antitumoral efficace aussi, selon les scientifiques, chez les patients humains.
Les chercheurs de l'Institut Max Planck pour la biologie du vieillissement à Cologne, de l'Institut Karolinska de Stockholm et de l'Université de Göteborg ont conjugué leurs expertises pour développer ce composé qui « affame les cellules cancéreuses en attaquant leurs « centrales électriques », les mitochondries. Précisément, ce nouveau composé empêche la lecture des informations génétiques dans les mitochondries.
Les cellules souches cancéreuses dépendent fortement du métabolisme mitochondrial.
Les mitochondries fournissent à nos cellules l'énergie et les éléments constitutifs cellulaires nécessaires au fonctionnement normal des tissus et des organes. Pendant longtemps, la croissance des cellules cancéreuses a été considérée comme indépendante de la fonction mitochondriale. Cependant, cette hypothèse a été remise en question ces dernières années. En particulier, les cellules souches cancéreuses dépendent fortement du métabolisme mitochondrial. En raison du rôle central des mitochondries dans la fonction tissulaire normale et du fait que les médicaments qui ciblent les fonctions mitochondriales sont généralement très toxiques, il s'est avéré jusque-là très difficile de cibler les mitochondries dans le traitement du cancer.
C’est donc le premier médicament anticancéreux qui cible la fonction mitochondriale sans effets secondaires graves et sans nuire aux cellules saines, « mais comment ça marche ? » : Les mitochondries contiennent leur propre matériel génétique, les molécules d'ADN mitochondrial (ADNmt), dont l'expression génique est médiée par un ensemble dédié de protéines. Une de ces protéines est l'enzyme « ARN polymérase mitochondriale », en abrégé POLRMT. Or l’on sait que les cellules à prolifération rapide, telles que les cellules embryonnaires, sont très sensibles à l'inhibition de l'expression de l'ADNmt, alors que les tissus différenciés tels que le muscle squelettique peuvent tolérer cette condition pendant une durée étonnamment longue. L’enzyme POLRMT apparaît donc comme régulateur clé de l'expression de l'ADNmt et donc une cible prometteuse.
Le composé inhibe l'ARN polymérase mitochondriale POLRMT : l'équipe de recherche a conçu une méthode de test à haut débit pour identifier ce composé chimique qui inhibe POLRMT. L'inhibiteur de POLRMT réduit considérablement la viabilité des cellules cancéreuses et la croissance tumorale chez les souris porteuses de tumeurs, mais est en plus très bien toléré par les animaux.
Il « reste » à valider ce composé comme médicament anticancéreux, mais peut-être aussi en tant que composé modèle pour mieux comprendre les effets cellulaires du dysfonctionnement mitochondrial et des maladies mitochondriales.
Source: Nature 16 December 2020 DOI: 10.1038/s41586-020-03048-z Small-molecule inhibitors of human mitochondrial DNA transcription
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