Ces chercheurs de l'Ohio State University explorent le rôle possible de l'intestin dans ce phénomène de « brouillard mental » ou « chemobrain », présent chez de nombreux patients traités par chimiothérapie. Ils suggèrent l'implication de l'intestin dans ces troubles cognitifs et de l’humeur liés à la chimiothérapie, et testent cette théorie chez les rongeurs. L’étude, présentée au Congrès Neuroscience 2019 confirme une connexion possible intestin-cerveau dans le développement du chemobrain.
Parce que la chimiothérapie est aussi agressive pour le système digestif, provoquant des diarrhées, des nausées et parfois l'anorexie, ces chercheurs font l’hypothèse d’un lien possible entre le chemobrain, un ensemble d’effets cérébraux indésirables, également liés à la chimiothérapie, et l’intestin. C'est donc l’hypothèse d’une nouvelle manifestation du fameux axe intestin-cerveau. « C'est peut-être parce que leur intestin est modifié et « parle » différemment au cerveau que les patients atteints de cancer développent un chemobrain » suggère ainsi l’auteur principal, le Dr Leah Pyter, professeur de psychiatrie et de santé comportementale à l'Institute for Behavioral Medicine Research de l'Ohio.
La manipulation des bactéries intestinales avant la chimio pourrait réduire les symptômes
Pour tester cette relation possible, les chercheurs ont suivi les effets de la chimiothérapie sur des souris dont les intestins avaient été manipulés avant le traitement, par coprophagie ou consommation de leurs propres matières fécales et de celles de leurs « colocataires ». -C’est une pratique universelle chez les souris-. L’idée étant d’opérer ainsi une sorte de transplantation du microbiote fécal naturelle. L’expérience montre que :
- les souris ayant reçu une chimiothérapie hébergées avec des souris non traitées présentent des signes évidents de modification du microbiote intestinal liée à la coprophagie ;
- les souris ayant reçu une chimiothérapie perdent moins de poids si elles ont été hébergées avec des souris non traitées, ce qui signifie qu'ingérer des matières fécales de souris non traitées a modifié leurs microbiote intestinal et inversé, au moins partiellement au moins certains effets secondaires notamment cognitifs, de la chimiothérapie. Ainsi, ces souris avaient des taux moins élevés de protéines dans leur cerveau, signalant une inflammation dans des zones liées à la cognition et à l'humeur, que les souris ayant reçu la chimio mais hébergées seules. Enfin, ces souris se montrent plus mobiles et donc moins fatiguées lorsqu’elles ont bénéficié d’apport du microbiote de souris non traitées.
- Les mesures de masse corporelle parlent d’elles-mêmes : les souris non traitées et non mélangées à des souris traitées ont la masse corporelle la plus élevée et se montrent en bonne santé. Les souris ayant reçu la chimiothérapie et non mélangées à des souris témoins, perdent le plus de poids. Les souris traitées et mélangées à des souris non traitées « se situent » entre les deux.
L’expérience suggère ainsi une relation claire entre le microbiome intestinal et le chemobrain. En régulant le microbiote des patients recevant une chimiothérapie, avec des probiotiques ou des prébiotiques ou en modifiant leur régime alimentaire, il serait sans doute possible de promouvoir les bactéries bénéfiques, efficaces à réduire ces symptômes.
Les chercheurs mènent une étude clinique parallèle chez des patientes atteintes d'un cancer du sein, prélevant des échantillons de selles, mesurant la réponse immunitaire et évaluant la cognition à l'aide de questionnaires avant, pendant et après le traitement de chimiothérapie avec l’espoir, si ces résultats sont bien confirmés chez l’Homme, de pouvoir intervenir sur le microbiote pour dissiper le chemobrain.
Source: Neuroscience 2019 23-Oct-2019 A possible gut-brain connection to 'chemo brain'
Plus d’études autour du « Chemobrain » sur Cancer Blog