Toutes les bactéries ne propagent pas la maladie et beaucoup d'entre elles sont bénéfiques. Certaines d’entre elles notamment sont équipées de seringues nanométriques qui fournissent des protéines (qui, par exemple, vont induire le développement et la métamorphose chez certains animaux marins). Ces bactéries peuvent ainsi interagir avec des organismes cibles en utilisant leurs minuscules seringues appelées systèmes d’injection contractile (SIC). C’est sur ce mécanisme naturel que s’est penchée cette équipe de l’Université d'État de San Diego, qui suggère avec ces travaux présentés dans les Cell Reports, que ces structures contractiles pourraient être modifiées et adaptées à l'administration de médicaments pour de futurs vaccins et traitements du cancer.
La structure de ces bactéries équipées « de nano-seringues » ressemble à celle des bactériophages et les deux types d'organismes partagent de mêmes protéines liées à l'évolution. Dans de nombreux cas, leurs systèmes d’injection contractile SIC agissent comme médiateurs dans les interactions entre bactéries et eucaryotes (organismes comportant un noyau) en délivrant des effecteurs aux cellules cibles.
Des seringues biologiques pour délivrer ciblé
Ici, Nicholas Shikuma, microbiologiste marin et son équipe découvrent un modèle ex vivo de SIC extracellulaire appelé précisément « structure contractile associée à la métamorphose » (MAC : Metamorphosis Associated Contractile structure) et qui cible les cellules eucaryotes. Ce modèle est présent chez la bactérie Pseudoalteromonas, une bactérie bénéfique ; ses structures en forme de seringues injectent une protéine effectrice (Mif1) dans les larves des vers contribuant ainsi à leur développement. Cette protéine apparaît donc responsable de leur métamorphose. Les MAC tuent précisément 2 lignées cellulaires eucaryotes, (cellules « Sf9 » et « J774A.1 »). Les chercheurs identifient ainsi, pour la première fois, un nouveau mécanisme d'interaction bactéries-eucaryotes médié par SIC.
Emprunter leurs seringues aux phages ? La structure de ces MAC ou de ces nano-seringue apparaît similaire à celles trouvées chez les bactériophages, des virus qui infectent les bactéries et, avec l’évolution, il semblerait que les bactéries aient emprunté cette structure aux phages pour l’utiliser à bon escient : au lieu de les utiliser pour infecter d'autres bactéries, les Pseudoalteromonas l'utilisent pour interagir avec d'autres organismes, comme les vers mais aussi les insectes ou des cellules. Les MAC sont créés lorsque les bactéries subissent une lyse cellulaire dans une sorte de phase altruisme, car la cellule meurt après la lyse.
Produire ces seringues bactériennes en quantité ? Toutes les bactéries de cette famille ne produisent pas ces MAC, seulement 1 sur 50 environ. Mais il est possible « d’en produire des milliards en laboratoire », expliquent les auteurs. Et il semble également possible de modifier ces structures microscopiques en forme de seringues de manière à les charger en agents thérapeutiques ou en vaccins.
Une étape vers un nouveau système d'administration ciblé : en décryptant ce mécanisme, l’équipe fait valoir un avantage possible pour la santé humaine, exploiter le même processus pour délivrer des médicaments via l'intestin humain.
Les chercheurs suggèrent que ces structures nanométriques en forme de seringues, qu’ils surnomment « étoiles de la mort », (voir visuel) pourraient être utilisées comme vecteurs très ciblés de médicaments.
Source : Cell Reports July 09, 2019 DOI : 10.1016/j.celrep.2019.06.019 A Bacterial Phage Tail-like Structure Kills Eukaryotic Cells by Injecting a Nuclease Effector (Visuel Shikuma Lab)