La perturbation des bactéries intestinales rend le cancer plus agressif, conclut cette équipe de l'Université de Virginie (UVA) qui décrit dans la revue Cancer Research comment un intestin « malsain » et enflammé rend le cancer du sein beaucoup plus agressif avec une propagation plus rapide dans les autres parties du corps.
Le microbiome est la communauté de microorganismes qui vivent en nous et sur nous. L’auteur principal, Melanie Rutkowski, du département de microbiologie, immunologie et biologie du cancer de l'UVA montre ici que le fait de perturber le microbiome de la souris modèle de cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs, rend son cancer plus agressif. La modification du microbiome, la collection de micro-organismes vivant dans les intestins entraine ici des effets dramatiques sur le corps, induisant le cancer à se propager.
Manipuler le microbiome au profit des patientes atteintes du cancer du sein ?
Environ 65% des cancers du sein sont positifs aux récepteurs hormonaux. Cela signifie que leur croissance est alimentée par une hormone, soit l'œstrogène ou la progestérone. La bonne nouvelle est que ces types de cancers répondent normalement plutôt bien à la thérapie hormonale. Prédire si de tels cancers vont se propager au-delà du sein et dans d'autres parties du corps en métastasant est un défi majeur en oncologie. La prédiction de cette propagation est complexe et dépend principalement des caractéristiques cliniques au moment du diagnostic et obéit à de multiples facteurs.
Ici, les chercheurs ont perturbé l'équilibre du microbiome chez les souris modèles de cancer du sein, en les traitant de manière chronique avec des antibiotiques. Cette perturbation du microbiome a entraîné une inflammation systémique, en particulier au niveau du tissu mammaire. Dans cet environnement enflammé, les cellules tumorales se sont disséminées très rapidement à partir du tissu mammaire, dans le sang et dans les poumons, un site majeur de métastases du cancer du sein à récepteurs hormonaux positifs.
Avoir un microbiome malsain avant le développement d’un cancer du sein entraîne une inflammation à long terme dans les tissus puis dans l'environnement de la tumeur. Les changements qui se produisent dans les tissus liés à un microbiome malsain pourraient alors constituer un prédicteur précoce du cancer du sein invasif ou métastatique. Finalement, sur la base de ces découvertes, les chercheurs concluent que « l’état du microbiome contribue à une propagation accrue et à une incidence plus élevée de métastases ».
Avoir un microbiome en bonne santé après un diagnostic de cancer du sein : l’étude suggère aussi qu’il pourrait être opportun de manipuler le microbiome au profit des patientes atteintes du cancer du sein. Mais le message clé pour le moment, reste l’importance d’un microbiome en bonne santé. La découverte ajoute aux preuves croissantes démontrant qu'un microbiome en bonne santé est essentiel à de nombreux aspects de la santé.
Antibiotiques et cancer du sein : l’étude pose également la question de l’utilisation des antibiotiques en cas de cancer du sein. Les chercheurs soulignent que les antibiotiques ne sont pas dangereux et ne devraient pas être évités par les femmes atteintes d'un cancer du sein ou par toute personne qui en a besoin pour traiter les infections. Les antibiotiques n'étaient qu'un moyen, pour l’étude, de parvenir à une fin, un moyen simple de créer un déséquilibre à long terme du microbiome. L'effet obtenu était beaucoup plus exagéré que celui qui se produirait chez une personne prenant un traitement antibiotique standard. Cependant la question est posée de leur indication ciblée dans le cancer du sein.
On retiendra qu’en toute situation, -ici en regard d’un cancer du sein- promouvoir un microbiote équilibré reste une clé de la santé. Les chercheurs rappellent qu'une alimentation saine, riche en fibres, la pratique de l'exercice, de bonnes habitudes de sommeil, sont autant de facteurs qui contribuent à une santé globale positive. « En adoptant ce mode de vie, en théorie, vous devriez avoir un microbiome en bonne santé. Nous montrons ici qu’un microbiome en bonne santé est très fortement associé à une issue favorable à long terme pour le cancer du sein ».
Source: Cancer Research June 2019 DOI: 10.1158/0008-5472.CAN-18-3464 Pre-existing commensal dysbiosis is a host-intrinsic regulator of tissue inflammation and tumor cell dissemination in hormone receptor-positive breast cancer (Visuel Alexandra Angelich | UVA)
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